Viollet-Le-Duc

La cité de l’architecture accueille un personnage assez baroque, Viollet-Le-Duc (1814-1879) connu pour quelques grands chantiers emblématiques (Sainte-Chapelle, Notre-Dame et Pierrefonds), l’exposition permet de découvrir les autres (nombreuses) facettes du monsieur dont l’esprit s’est occupé à bien des choses. Car s’il fallait le décrire en un adjectif, ce serait polyvalence. Il s’attaque à beaucoup de sujets, utilisant beaucoup de techniques et il le fait avec un talent qui confine au génie, tout en gardant une patte personnelle qui le fera autant admirer que détester. Dessinateur, aquarelliste, peintre, architecte, écrivain, savant, officier du Génie…et je dois en oublier.

admiré mais aussi contesté, systématique, normatique

Il voit le jour dans une famille bourgeoise, rencontre les gens qui comptent, architectes, écrivains et artistes (Mérimée, Stendhal, par exemple) dans la salon tenu par son oncle. Il évite volontairement toute formation académique en architecture et se cultive par les voyages en France ou, ce qui sera déterminant, en Italie.

Avec son petit côté professeur Nimbus, il vit un peu par et pour son art, et, loin des convictions politiques, il naviguera à travers les tempêtes des changements de régime. Bien sûr, il sera fort proche de l’Empereur Napoléon III dont il sera l’architecte personnel. Après l’épisode de la Commune de Paris, il se rapprochera tout de même un peu du socialisme.

 

Ceci dit regardons un peu maintenant les oeuvres de VLD.

L’exposition suit un parcours globalement chronologique qui commence par les années de formation.

Etant donnée la période, les influences du romantisme sont là, et se retrouvent dans ses paysages sans pour autant qu’on y percoive le sublime habituellement associé aux artistes de ce courant.

 

Dessins de voyage : Pyrénées

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Eclipse de lune (mine de plomb, encre brune)

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Mont Saint-Michel (aquarelle) DSCF9538

Mais il fera aussi partie des « Voyages Pittoresques » pour lesquels il livrera 60 dessins dont celui-ci qui est…. bizarre.

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Après la France, on franchit les Alpes pour un long séjour dans la botte, payée par des commandes de tableaux :

Colisée restauré, avec la toile pare-soleil, aquarelle.

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Détail de la colonne Trajanne.

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Remarquez là encore la grande variété de styles et des techniques, depuis de rigoureuses élévations à des dessins d’ambiance pris sur le vif.

Le palais des Doges

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Après cet épisode italien on passe à  » La vedette », sa maison de Lausanne, démolie depuis. C’est là j’avoue la plus grande surprise de l’exposition : on découvre un artiste total qui dessine tout depuis l’extérieur jusqu’aux tapis en passant par les meubles, en introduisant des lignes végétales. Ca ne vous rappelle rien ? Et si, VLD annonce l’Art Nouveau même si les lignes sont encore sages et n’ont pas encore été fouettés, les grandes idées sont déjà présentes.

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L’exposition permet aussi de découvrir la chambre claire. Dispositif optique permettant de reproduire facilement, un objet sur une feuille de papier par un système de projection via un prisme. Un exemplaire est en démonstration, c’est tout simple et bigrement efficace.

Et justement, cela permet de reproduire aussi fidèlement des paysages comme cette vallée de Chamonix avec le Mont-Blanc en arrière-plan.

 

DSCF9550Mais là, ou n’importe qui ce serait arrêté à ce joli paysage, VLD va plus loin. Il le traite comme une ruine, ayant subi les outrages du temps. Et que fait-on des ruines ? Et bien, on les rénove ! Ils cherchent alors à restituer la forme « originelle » du paysage avant l’érosion. Comme il a quelques notions en géologie, il s’appuie dessus pour ce second dessin.

DSCF9551Oui il a un petit côté psychopathe qui me le rend sympathique.

Pendant qu’on est dans la région, il a aussi réaliser une carte du Massif du Mont-Blanc, à laquelle il ne faut pas trop se fier, VLD s’étant, selon les spécialistes, un peu laissé emporté par sa fibre artistique au détriment de la précision tropographique.

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analogie entre nature et création architecturale

Cette analogie entre la nature (la géologie mais aussi la faune et la flore) et la création architecturale va se retrouver maintes fois dans sa production. En plus, cela me permet de vous caser des dessins de chats.

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On passe aussi à la grosse artillerie, les chantiers qui ont fait le renom du bonhomme.

Tout d’abord, c’est la Sainte-Chapelle, véritable chantier-école, où VLD fait ses classes et rencontre ses futurs collaborateurs. Puis il passe ensuite à Notre-Dame de Paris en 1843, sur laquelle il va travailler avec Lassus. Le chantier durera 20 ans. Là encore, il étudie et intervient à tous les niveaux, depuis le plan d’ensemble où une bonne partie de l’île est nettoyée :

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jusqu’au dessin de la flèche, la restauration de la polychromie, le lutrin, des chandeliers, l’orfèvrerie, la décoration temporaire pour le baptème du Prince Impérial.

Reliquaire de la vraie croix et du Saint Clou

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Le gigantesque Lutrin :  DSCF9563

Détail du chandelier pascal :

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Décoration pour le baptème du Prince Impérial :

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En continuation des influences romantiques, l’homme est quasiment hanté par le Moyen-Age et particulièrement le gothique dont il cherche à  édicter les règles, à rechercher l’intention initiale. Il conçoit une cathédrale idéale, dont une maquette restitue les codes :

DSCF9573Arrive ensuite le célébrissime chantier de Pierrefonds, où VLD se lâche et réintègre sa vision d’un Moyen-Age phantasmé. On repassera pour l’historicité mais le résultat a de la gueule.

Paul Huet, Pierrefonds avant/après

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Pierrefonds, aquarellé par VLD.

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Là encore, il dessine tout, des tours et remparts, jusqu’aux tapisseries. Et comme, on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même, il dessine aussi les wagons du train impérial, toujours dans une veine Art Nouveau, qui permettra de rejoindre le château.

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Sa fin de vie coïncide avec une volonté de transmettre son savoir. Féru de pédagogie,  il a cocréé l’École Centrale d’Architecture et rédige de nombreux ouvrages : Histoire d’une maison, Histoire  d’une forteresse, Histoire  d’un dessinateur. Pour son école, il réalise aussi les supports de cours :

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Enfin, son dernier projet est le Musée de Sculpture Comparée, mais il faudra attendre 1879 pour que cela se concrétise. Il a bien sûr envisager la disposition intérieure, en insistant notamment sur les ornements architecturaux.

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Conclusion, l’événement A NE PAS RATER en ce moment. On découvre véritablement un artiste multiforme, touche-à-tout ne se départissant jamais d’une once de démesure voire d’un petit grain d’objectivité frisant la folie. L’avantage est qu’elle n’est pas réservée aux spécialistes de l’architecture, les fans de dessins y trouveront largement leur compte. Cerise sur le gâteau, tout est merveilleusement pédagogique. Prévoyez du temps, l’exposition offre beaucoup de choses à lire.

Tarif : 9 euros (12  euros pour les 2 expositions)

Durée : 2 h

Site officiel : http://www.citechaillot.fr/fr/expositions/expositions_temporaires/25622-viollet-le-duc_les_visions_dun_architecte.html

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